Sous-thème 1
Repenser le financement de l'éducation en Afrique, y compris les implications liées à l'évolution du paysage mondial du financement
Selon le Rapport mondial de suivi sur l'éducation (GEMR) et l'ADEA (2022), les pays africains ont consacré en moyenne 4,6 % de leur PIB à l'éducation publique en 2019. Ce chiffre correspond tout juste à l'objectif mondial de 4 à 6 % du PIB ou 15 à 20 % des dépenses publiques totales. L'enseignement primaire représente la part la plus importante, avec 2 % du PIB et 44 % des dépenses totales d'éducation, suivi de l'enseignement secondaire, avec respectivement 1,5 % et 34 %. La Banque mondiale (2022) estime que l'enseignement supérieur représente 1,1 % du PIB et 22,6 % des dépenses publiques totales d'éducation, avec des coûts élevés par élève. Les investissements dans l'enseignement préscolaire sont extrêmement faibles, ne représentant en moyenne que 0,1 % du PIB. De nombreux pays africains consacrent moins de 2 % de leur budget de l'éducation à l'EPE (UNICEF, 2021). Se pose également la question de l'allocation par rapport aux décaissements, ces derniers reflétant la réalité.
Parmi les idées concrètes et stratégiques pour aider les pays africains à aller au-delà du strict minimum en matière de financement de l'éducation, on peut citer l'établissement d'un lien plus étroit entre le financement de l'éducation et la croissance économique, en faisant valoir que l'augmentation des dépenses d'éducation est plus « économique » que sociale, et qu'il s'agit d'un investissement stratégique dans l'atout démographique de l'Afrique (la jeunesse). Cela implique également d'accroître la mobilisation des ressources nationales grâce à des réformes fiscales progressives, de lutter énergiquement contre les flux financiers illicites, d'améliorer l'efficacité et la responsabilité, d'élargir l'assiette fiscale, par exemple en numérisant les systèmes de perception des impôts, et d'examiner la répartition des recettes provenant des ressources naturelles. Il est également essentiel de renforcer la collaboration régionale, d'impliquer délibérément le secteur privé et les organisations philanthropiques, et d'adopter un financement fondé sur les données.
L'Afrique doit également repenser sa position sur le recours au financement extérieur. Les récentes réductions de l'aide publique au développement (APD) en faveur de l'éducation et du développement des compétences en Afrique ont eu des répercussions profondes et multiples. Ces coupes exacerbent les difficultés existantes en matière d'accès, d'équité et de qualité de l'apprentissage, et menacent les progrès socio-économiques à long terme du continent.
La décision du gouvernement américain de mettre fin au financement d'un large éventail de programmes soutenus par l'USAID, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation et du développement des compétences, a plongé de nombreuses initiatives dans l'incertitude. Cette décision a eu des répercussions dans tous les secteurs et tous les pays, créant une situation sans précédent pour l'éducation et le développement des compétences en Afrique. Cependant, les tendances de l'APD suggèrent qu'un tel changement était de plus en plus probable. Un récent blog de la Banque mondiale, rédigé par le Rapport mondial de suivi sur l'éducation (GEM), souligne le défi chronique que représente la réalisation de l'objectif de longue date des Nations unies en matière d'APD, à savoir 0,7 % du revenu national brut (RNB). Il y a cinq ans, seuls six des 30 membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE (Danemark, Allemagne, Luxembourg, Norvège, Suède et Royaume-Uni) atteignaient cet objectif. Aujourd'hui, la moyenne des dépenses d'APD des donateurs de l'OCDE stagne autour de 0,35 % du RNB, et de nouvelles réductions sont à prévoir.
Selon un rapport de 2025 de la Fondation européenne pour la formation, les perturbations causées par l'USAID ont affecté les programmes d'éducation et de développement des compétences dans 58 pays. Sur les 396 programmes spécifiques à l'éducation touchés, plus d'un tiers se trouvaient en Afrique subsaharienne (153 programmes), et 72 autres en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Les groupes vulnérables, notamment les filles, les réfugiés et les communautés marginalisées, sont susceptibles d'être les plus touchés à court terme. À long terme, cela pourrait entraîner un recul des ODD 4 et des cadres éducatifs continentaux tels que le CESA et la Stratégie continentale pour l'EFTP. Ces revers pourraient se traduire par une augmentation des taux d'abandon scolaire, un creusement des inégalités entre les sexes, une hausse du chômage des jeunes et un manque de préparation de la main-d'œuvre, ce qui pourrait alimenter l'instabilité économique et les changements géopolitiques.
Le Rapport GEM (2025) note que si la décision des États-Unis est particulièrement brutale, elle reflète une tendance plus large parmi les autres pays donateurs. Le Royaume-Uni, par exemple, a réduit son APD de 0,7 % à 0,5 % du RNB en 2021, avec une nouvelle baisse à 0,3 % d'ici 2027. Les Pays-Bas prévoient de réduire leur APD de 0,62 % en 2024 à 0,44 % en 2029. La Belgique va réduire son aide de 25 % sur cinq ans, et la Suisse va supprimer 363 millions de dollars de son budget de coopération bilatérale et multilatérale au développement pour 2026-2028, y compris pour l'éducation. Ces réductions ont des conséquences tangibles : l'aide à l'éducation au Tchad et au Libéria devrait être réduite de moitié, tandis que Madagascar et le Mali subiront une réduction d'un tiers. L'Éthiopie, le Rwanda et la RDC sont confrontés à des réductions de l'aide de 33 millions, 35 millions et 51 millions de dollars respectivement. Au total, les dépenses d'éducation au Libéria et en Somalie devraient baisser respectivement de 23 % et 45 %.
La réponse de l'Afrique : un impératif de résilience
Cette crise était prévisible au lendemain de la pandémie de COVID-19, qui a mis en évidence les profondes vulnérabilités des systèmes éducatifs africains. L'un des principaux enseignements tirés est la nécessité urgente de mettre en place des systèmes d'alerte précoce et des stratégies de résilience à long terme dans la planification de l'éducation.
Il existe aujourd'hui des signes encourageants d'un changement dans l'écosystème mondial des partenaires. La Fondation Gates travaille avec l'ADEA et Human Capital Africa (HCA) pour inciter les décideurs politiques à repenser le financement de l'éducation pour l'apprentissage fondamental. Lors de la 6e réunion du Forum ministériel africain sur l'apprentissage fondamental, les États membres ont partagé leurs points de vue et présenté les nouvelles initiatives visant à répondre au nouveau contexte de financement. Les ministres ont convenu de la nécessité d'une initiative menée par les gouvernements qui place les pays africains à l'avant-garde des efforts visant à respecter les engagements nationaux et continentaux en matière d'éducation, notamment l'objectif de mettre fin à la pauvreté éducative d'ici 2035.
Parallèlement, la Banque africaine de développement (BAD) explore comment des innovations telles que l'IA peuvent être utilisées pour mobiliser les ressources nationales. Il s'agit notamment de tirer parti des plateformes numériques et des systèmes de données pour améliorer la collecte des impôts, élargir l'assiette fiscale et donner la priorité aux investissements dans les secteurs sociaux clés. D'autres discussions ont porté sur des mécanismes de financement innovants avec des partenariats public-privé au niveau national, dans le cadre de la mobilisation de la philanthropie privée.
Les discussions menées dans le cadre de ce sous-thème lors de la Triennale 2025 de l'ADEA constituent un tournant décisif pour les décideurs politiques africains en matière d'éducation. Il s'agit d'une occasion unique de prendre des mesures audacieuses et stratégiques en faveur d'un financement durable et autonome de l'éducation, que l'Afrique ne doit pas manquer.